La Sainte-Chapelle de Champigny

       Intérieur de la Sainte-Chapelle de Champigny-sur-Veude (cliché MP Terrien)

 La Sainte-Chapelle de Champigny-sur-Veude : un lieu chargé d’histoire     Au cours des siècles, la forteresse médiévale de Champigny-sur-Veude a appartenu à plusieurs familles illustres, dont les Beauvau, grande famille d’Anjou. Elle devient la propriété des Bourbons au XVe siècle, par le mariage d’Isabelle de Beauvau et de Jean de Bourbon. Au retour de l’expédition de Naples en 1495, leur fils Louis Ier de Bourbon, émerveillé par la Renaissance italienne, décide de transformer la demeure médiévale en un somptueux logis. Il y établit aussi une collégiale, dont la fondation est confirmée en 1499 par une bulle du pape Alexandre VI. En 1507, il en consolide l’institution, en établissant un corps de statuts en 252 articles, destinés à régler son fonctionnement.
Louis Ier de Bourbon meurt en 1520. De son mariage à Moulins en 1504 avec Louise Bourbon-Montpensier est né un héritier, Louis II de Bourbon (1513-1582). C’est lui qui va poursuivre les travaux décidés par son père. Le magnifique château et sa chapelle sont achevés en 1545. En 1625, cet ensemble passe aux mains de Gaston d’Orléans, suite à son mariage avec Marie de Bourbon. Dix ans plus tard, le château est détruit sur ordre du cardinal de Richelieu, en représailles des nombreux complots fomentés contre lui par le frère de Louis XIII. Il subsiste toutefois de cet ensemble les somptueux communs, restaurés par la Grande Mademoiselle.

Une Sainte-Chapelle, à l’image de la Sainte-Chapelle de Paris
La chapelle devait également être détruite. Elle a pu être sauvée grâce à l’intervention du pape Urbain VIII. En effet, elle fait partie de la famille restreinte des Saintes-Chapelles capétiennes, qui furent fondées par Saint-Louis ou ses descendants. Cadre d’une commémoration dynastique, ces édifices visaient à magnifier la puissance de la famille fondatrice et sont décorés à profusion d’armoiries, d’emblèmes héraldiques et de devises. Toutefois, une Sainte-Chapelle n’est pas une chapelle princière ordinaire. Elle est un écrin, qui abrite des reliques de la Passion. Celle de Champigny possédait notamment un morceau de la Vraie Croix et une épine de la Couronne du Christ, reliques qui furent détruites à la Révolution.
Construite sur le modèle architectural de la Sainte-Chapelle de Paris, elle est un exemple d’architecture à la fois gothique et Renaissance. Edifiée dans la première moitié du XVIe siècle, elle apparaît comme un édifice hybride, à la charnière du Moyen Age et de la Renaissance. La chapelle proprement dite (25 x 9 m) est de style ogival. Les puissants contreforts sont typiques de l’architecture gothique. Mais les colonnettes qui en adoucissent les angles et la décoration raffinée qui parcourt l’édifice montrent l’influence de la Renaissance italienne.

Son portique d’entrée, traité comme un arc de triomphe, est un remarquable témoignage de la résurgence des formes gréco-romaines vers 1540. Il est couronné par un entablement, richement décoré des emblèmes des Bourbons. Cette influence des formes antiques n’était pas rare en Italie ou même dans la région parisienne. En revanche, dans le Pays de Richelieu, cet exemple est exceptionnel. Nous ne connaissons pas le nom du maître d’œuvre qui a exécuté ce péristyle d’entrée, mais il est possible que Louis II ait fait venir des architectes et des sculpteurs d’Italie, ou tout du moins des artistes qui connaissaient bien les innovations architecturales de la Renaissance…

                        La Sainte-Chapelle de Champigny, vue du portique d’entrée

Les plus beaux vitraux Renaissance de France
L’édifice est orné de onze verrières, hautes de plus de 8 mètres et larges de 3,50 m. La profondeur des bleus, le velouté des rouges et des bruns, ou encore la lumière des ors, qui ornent les vêtements, font la réputation de ces vitraux. Ils sont reconnus par les spécialistes du vitrail comme les plus beaux vitraux Renaissance de France. La plupart des Saintes-Chapelles ont subi les vicissitudes du temps et présentent des programmes très incomplets. Au contraire à Champigny, il forme un ensemble remarquablement conservé, car les verrières ont été déposées et cachées à la Révolution, ainsi que durant la deuxième guerre mondiale.
Ces vitraux ne sont pas constitués de multiples épisodes juxtaposés et superposés comme dans les vitraux du Moyen- Age, mais constituent de véritables tableaux traités en perspective. Ils forment un espace unifié, qui ne tient pas compte des meneaux de pierre, et portent l’empreinte de  la Renaissance italienne : le point de fuite central, le contraste des couleurs, la perspective aérienne et la composition très géométrique rappellent la peinture de Léonard de Vinci ou de Raphaël.

Détails des verrières de Champigny-sur-Veude (clichés MP Terrien) : éducation de Saint Louis, Translation des reliques de la Passion et Passion du Christ.

Ces vitraux ont été en partie réalisés à l’occasion du mariage de Louis II de Bourbon et de Jacquette de Longwy, célébré en 1538. L’oncle de Jaquette, Claude de Longwy, évêque de Langres en 1529 et cardinal de Givry en 1533, véritable mécène, est le donateur de ce prestigieux cadeau de mariage et de ce programme très abouti, inspiré de celui de la prestigieuse Sainte-Chapelle de Paris.

Sainte-Chapelle de Champigny, la cinquième verrière

Les verrières sont divisées en trois registres superposés. Dans le soubassement sont représentés les descendants de Saint Louis, dans une mise en scène théâtrale et ostentatoire, qui vise à glorifier cette puissante famille. Les Saintes-Chapelles servent en effet de cadre à une célébration dynastique. Dans les deux autres registres, une scène unique occupe toute la baie. Le registre central, le plus important, est une évocation de la vie de Saint Louis, depuis son sacre à Reims le 29 novembre 1226 jusqu’à sa mort à Tunis le 25 août 1270. Il s’agit d’une représentation idéalisée, qui rappelle que l’ancêtre de cette puissante lignée était à la fois roi et saint. Ces vitraux soulignent la piété et l’humilité du roi et évoquent les deux croisades qu’il organise en 1248 et 1270. Saint Louis est par ailleurs mis en parallèle avec le Christ, dont la Passion est représentée dans le tympan, depuis l’agonie au Jardin des Oliviers jusqu’à la Pentecôte.
Ces vitraux reprennent les thèmes iconographiques conjoints de la Sainte-Chapelle de Paris : la référence à l’Ancien Testament et la concordance des deux Lois, l’histoire des reliques de la Passion, l’Apocalypse. Enrichi par les sources humanistes de la Renaissance, le portrait de Saint Louis véhicule en plus un message bien spécifique : il glorifie les hauts faits de Louis Ier de Bourbon, fondateur de la Sainte-Chapelle de Champigny, qui lui a légué des reliques de la Passion.

La Sainte-Chapelle de Champigny est une des merveilles du Pays de Richelieu. Malgré ses remarquables vitraux, cet édifice exceptionnel reste méconnu.

© Marie-Pierre Terrien

Pour en savoir plus :
Marie-Pierre Terrien, Images de Saint Louis dans les vitraux de Champigny-sur-Veude, Cholet, Pays et Terroirs, 2007.

Marie-Pierre Terrien, « La Sainte-Chapelle de Champigny-sur-Veude et le rôle du cardinal de Givry », in : Les chapelles royales. De la gloire de Dieu à la gloire du prince, Actes du colloque de Lunéville, CTHS, 2015,  p. 37- 47.

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