La collégiale Saint-Georges, vue du chevet (cliché MP Terrien)
Un sanctuaire sur la route de Saint-Jacques de Compostelle
Les premières sources écrites concernant Faye remontent au 10e siècle (Faia ou Fagia). Au 11e siècle, la région, qui appartenait jusqu’alors aux comtes du Poitou, passe aux mains des Foulques, qui sont des comtes d’Anjou. Foulques Nerra entreprit de couvrir de châteaux forts les régions qui étaient placées sous sa dépendance. Or le site de Faye, situé sur une éminence et dominant le pays, présentait un intérêt militaire stratégique. Le comte d’Anjou y fait construire une forteresse, destinée à stopper les invasions venant du Poitou et entoure la cité d’une enceinte. Faye prend de plus en plus d’importance lors de la fondation de la collégiale Saint Georges vers 1040 par Dame Nivès, arrière petite fille de Landry, premier seigneur connu de Faye. Les travaux sont achevés au milieu du XIe siècle et la fondation d’un collège de chanoines est confirmée en 1064 par le comte d’Anjou Geoffroy III le Barbu.
Faye était une étape importante sur la route de l’Ouest, la via Turonensis, jalonnée d’églises où l’on vénérait des corps saints célèbres : Saint Hilaire de Poitiers, Saint Martin de Tours, Saint Eutrope de Saintes. On sait que les pèlerins passaient dans la région de Richelieu. la collégiale Saint Georges possédait un morceau de la Vraie Croix et une châsse en or contenant une relique de Saint Georges. Sous l’influence des pèlerinages, l’édifice prend de plus en plus d’importance. Il est reconstruit au 12e siècle.
Un pôle religieux majeur au Moyen-Age
Faye-la-Vineuse était un pôle religieux très important pour la région. Au Moyen-Age, les chanoines vivaient dans une abbaye qui dépendait du château. Deux paroisses jouxtaient celle de Saint-Georges de Faye, celle de Saint Jouin et celle de Marnay. La chapelle Sainte-Catherine était située dans le faubourg.
En raison de sa position stratégique, Faye fut une des premières cibles des protestants. L’édifice fut d’ailleurs fortifié à cette époque. Les protestants prirent la ville en 1562, les reliques furent détruites. Puis un nouveau pillage eut lieu en 1569. L’Amiral de Coligny, qui n’avait pu se rendre maître de Poitiers, se rendit à Faye-la-Vineuse, où eut lieu un violent combat. Au cours d’une troisième attaque en 1593, le château des seigneurs de Faye fut détruit, la ville brûla pendant quatre jours et quatre nuits. La forteresse fut détruite et l’église voisine de Saint-Jouin fortement endommagée. Malgré les vicissitudes des guerres de religion, la vie religieuse s’est maintenue jusqu’à la Révolution, nouvelle période d’exactions et de destructions. Au début du 19e siècle, les vestiges des églises voisines de Marnay et de Saint Jouin, en ruines, furent démolis et le produit de la vente servit à la reconstruction de la nef de la collégiale Saint-Georges.
La seigneurie de Faye fut vendue en 1626 au Cardinal de Richelieu et intégrée à son duché-pairie. Le protestantisme était alors bien implanté dans le Poitou. Cette région de France a en effet été très tôt touchée par la Réforme, qui a bénéficié de hautes protections, à la fois de la part de religieux et de nobles. Le cardinal de Richelieu fit appel à Vincent de Paul pour fonder une mission dans sa ville nouvelle. Sept prêtres lazaristes furent chargés d’aller dans les campagnes voisines afin de raviver la foi des fidèles et de regagner du terrain sur les protestants.
Le choeur de la collégiale Saint-Georges
Un édifice roman, à la charnière du Poitou, de la Touraine et de l’Anjou
La collégiale Saint-Georges est un édifice majeur dans le Pays de Richelieu, représentatif de l’art roman de la région. La richesse de l’architecture romane, qui caractérise la région de Richelieu, est due à des influences diverses, qui se sont croisées. Ainsi la façade de la collégiale Saint-Georges rappelle celle des églises du Poitou, mais conserve la sobriété des édifices de Touraine. La variété des partis architecturaux résulte du mélange d’apports tourangeaux, poitevins et angevins, qui se sont amalgamés. Cette région était en effet, en raison de sa situation géographique charnière, un lieu de passage ouvert à tous les courants.
L’ordonnance de la collégiale, avec ses arcs doubleaux légèrement brisés, son triforium aveugle (courtière placée au-dessus des grandes arcades du chœur) et ses piliers aux colonnes engagées rappelle l’ordonnance de l’église abbatiale de Fontevraud, fondée en 1101 par Robert d’Arbrissel. En revanche, les fenêtres hautes de l’abside la rattachent plutôt aux églises du Val de Loire. L’édifice est ainsi bien éclairé, contrairement aux églises poitevines. La croisée était couverte d’une coupole à pendentifs, surmontée d’un gros clocher octogonal. Cette disposition fait écho aux édifices du Poitou et de l’Aquitaine.
La partie de l’édifice la plus intéressante est le chœur, qui date du 12e siècle. Il s’organise autour de dix piliers puissants, cantonnés de colonnes engagées, ornées de chapiteaux sculptés. Entouré d’un déambulatoire, il est conçu selon un plan qui devait faciliter la circulation des pèlerins. L’architecture monumentale du sanctuaire s’accompagne d’une riche décoration. Au fond du chœur, un chapiteau porte le nom de son auteur : Gosbertus me fecit anima patris = “Gosbert m’a fait pour (le salut de) l’âme de son père”. Ces inscriptions lapidaires sont très rares au Moyen Age. Il faut toutefois déplorer les restaurations excessives du programme sculptural de l’édifice (transept et chœur) au 19e siècle…
Véritable église souterraine, la crypte (15 x 12 mètres) est spectaculaire par ses dimensions. Il est possible qu’elle ait servi d’église à l’origine, ainsi que le suggère la juxtaposition de chapiteaux de styles différents. Elle fut remaniée au 12e siècle lors de la construction de l’église actuelle.
Chapiteaux de la crypte (clichés MP Terrien)
© Marie-Pierre Terrien
Référence : Marie-Pierre Terrien, L’art roman dans le Pays de Richelieu, entre Touraine, Poitou et Anjou, Tours, 2002 (catalogue d’exposition, réalisé avec la participation de Gilles Etienne).