Vincent de Paul à Richelieu

Vincent de Paul  et le renouveau spirituel du 17e siècle
Vincent de Paul (1581-1660) est une figure essentielle de la Reconquête catholique après les guerre de Religion (Contre-Réforme). Conscient que le clergé manque de formation, il comprend qu’il est primordial d’améliorer le niveau moral et religieux des prêtres. Dans ce but, il fonde en 1625 la Congrégation de la Mission, constituée de clercs séculiers qui partent évangéliser les campagnes. En 1632, la congrégation, qui occupait le collège des Bons-Enfants, s’installe au prieuré Saint-Lazare, d’où le nom de lazaristes donné à ces missionnaires. En 1633, il crée la compagnie des Filles de la Charité. Ce ne sont pas des religieuses, mais des « séculières », qui vont à la rencontre des pauvres et des malades. Dès 1638, elles s’occupent également des Enfants trouvés. Lazaristes et Filles de la Charité s’établissent rapidement dans de nombreuses régions de France. Les missions essaiment  non seulement en France, mais aussi à l’étranger, à Alger en 1646, à Madagascar en 1648 et en Pologne en 1651.

Lorsque le cardinal de Richelieu (1585-1642) fonde sa ville nouvelle en 1631, il veut en faire la vitrine du pouvoir, face aux grands mais aussi face aux protestants, nombreux dans la région en ce début du XVIIe siècle. En tant qu’homme d’Eglise, il se doit de mettre en place la réforme voulue par le Concile de Trente au siècle précédent. C’est ce qu’il a fait à Luçon dans les années 1610-1620. Le problème qui se pose pour lui dans les années 1630, c’est qu’il est alors absorbé par les affaires de l’Etat. Il est devenu le principal ministre de Louis XIII et n’a pas le temps de mettre lui-même en place cette Contre-Réforme dans sa ville nouvelle. Il fait appel à Vincent de Paul (1581-1660) qui, dès 1638, se rend à Richelieu et y installe une mission. Sept prêtres lazaristes sont chargés de raviver la foi du peuple et de regagner du terrain sur les protestants, à la fois dans la ville nouvelle et dans l’ensemble du duché. Mais Vincent de Paul ne se contente pas d’appliquer les décisions réformatrices du Concile de Trente. Pour lui la charité fait partie des œuvres de la foi. Il fait venir deux Filles de la Charité, pour secourir les malades et les pauvres.

Richelieu et Vincent de Paul étaient faits pour se rencontrer, car ils avaient les mêmes objectifs : améliorer la formation du clergé et raviver la foi du peuple. Ils avaient aussi l’intention de ramener les brebis égarées par l’hérésie dans le droit chemin du catholicisme. Tous les deux étaient des hommes d’action, déterminés à agir concrètement contre les maux de l’Eglise. 

La Mission de Richelieu
Le contrat d’installation est signé le 4 janvier 1638. Vincent de Paul prend l’engagement d’envoyer sept prêtres à Richelieu avant le mois de mars 1638 et d’en ajouter trois autres avant les deux années suivantes, pour remplir les fonctions curiales dans cette localité, donner des missions dans le duché de Richelieu, mais aussi dans les évêchés de Luçon et de Poitiers. Vincent de Paul s’engage aussi à préparer les ordinands et à recevoir les prêtres aux exercices spirituels. L’évêque de Poitiers érige la cure de Richelieu par acte du 27 mai 1638.

En contrepartie de leurs services, le Cardinal fait don aux prêtres du revenu des greffes de Loudun, qui étaient affermés 4550 livres, et s’engage à leur procurer le logement nécessaire. Dans une lettre de 1640, Vincent de Paul témoigne à Richelieu « une fort grande gratitude » des biens que sa volonté leur a prodigués. Le contrat des Filles de la Charité quant à lui fut signé le 22 juillet 1643, après la mort du Cardinal.

Les débuts de la mission ne sont pas faciles, mais Vincent de Paul est présent sur tous les fronts et la mission peut se développer, grâce à sa ténacité. A la mort de Richelieu, la duchesse d’Aiguillon, son exécutrice testamentaire, aide Vincent de Paul à la faire prospérer.

Le prêche de Vincent de Paul, église Notre-Dame de Richelieu

L’ancienne mission de Richelieu, le cloître du 17e siècle

Vincent de Paul recommande aux missionnaires de respecter les protestants, de ne jamais « disputer contre les hérétiques, sachant que cela sert de peu et que bien souvent on fait plus de bruit que de fruit ». Un bon exemple vaut mieux que de longs discours… Pour l’apôtre des pauvres, il faut convertir les protestants par la douceur, « édifier » les catholiques et les protestants ensemble. Les abjurations du protestantisme doivent par ailleurs être volontaires.

La pensée de Vincent de Paul est avant-gardiste. Il préconise de donner un outil à chaque indigent, afin qu’il puisse vivre de son travail. Les enfants pauvres doivent apprendre un métier, de manière à ne pas reproduire la situation de leurs parents.

Vincent de Paul fait régulièrement des séjours à Richelieu, pour s’assurer que tout fonctionne comme le souhaite le Cardinal (1638, 1639, 1640, 1642, puis 1649). Dans l’église Notre-Dame, la chapelle latérale sud lui est dédiée. Une peinture murale du 19e siècle, signée Pauthe de Béziers, qui le représente prêchant, rappelle le rôle fondamental qu’il a joué dans la ville nouvelle.

La tradition de charité que Vincent de Paul a mise en place à Richelieu s’est prolongée bien au-delà de sa mort. Cet apôtre des pauvres, qui a amélioré le sort des indigents grâce à ses vertus et son pragmatisme social, a été canonisé le 16 juin 1737.

© Marie-Pierre Terrien

Pour en savoir plus : Marie-Pierre Terrien, Vincent de Paul à Richelieu, Editions Pays et Terroirs, Cholet, 2017 et Richelieu, le cardinal-ministre, sa cité idéale, son héritage, Editions La simarre, 2021.

0
0
0
0
0
0
0
1
0
1
0
0
0
0